accueil BIODANZA > textes > Edgar Morin le 16 juillet 2011
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12-15 juillet 2011

1er Congrès Européen d'Éducation Biocentrique
15-17 juillet 2011
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conférence d'Edgar MORIN
Qu’est-ce que la connaissance ? Qu’est-ce qu’être humain ?

Ces cellules sont constituées de molécules, les molécules sont constituées d’atomes et ces atomes sont constitués de particules. Nous savons maintenant que ces particules sont apparues, il y a 15 milliards d’années avec l’origine de la vie et que ces atomes se sont formés au cours des premiers temps de l’univers, que les atomes de carbone nécessaires à la vie se sont formés par la rencontre de trois noyaux d’hélium dans un soleil qui a précédé notre soleil, lequel n’a que 4 milliards d’années. Tous ces éléments se sont unis, se sont regroupés et dans un tourbillon, la Vie est née.
Nous portons donc en chacun de nous toute l’histoire de l’univers et nous sommes des enfants du cosmos, des enfants de la Terre. Par la conscience, par la culture, nous nous sommes différenciés des autres animaux tout en restant des animaux. C’est cette double identité humaine qu’on nous cache, qu’on nous masque et qu’on n’arrive pas à comprendre parce que tout est séparé. Nous sommes aussi des machines terriennes, nous fonctionnons à 37° de température normale et nous portons en nous cette chose extraordinaire qu’est l’organisation vivante, c’est-à-dire, que notre véhicule se dégrade parce que nous travaillons le jour et même la nuit : notre corps travaille, notre cœur bat, nos poumons respirent, notre sang circule, ...
 
Qu’est-ce que travailler ? C’est dégrader l’énergie, c’est pourquoi on a besoin de se nourrir. Mais à force de travailler, nos cellules se dégradent, nos cellules meurent. Nous produisons alors des cellules jeunes, cela veut dire que nous vivons de la mort de nos cellules parce que, grâce au rajeunissement des cellules, nous rajeunissons en vieillissant. Une formule du grand philosophe Héraclite qui vivant 6 siècles avant notre ère disait : « vivre de mort et mourir de vivre. » Vivre de mort veut dire pas seulement que nous vivons en tuant des animaux pour les manger mais aussi que nous vivons de la mort de nos cellules donc la vie lutte en s’aidant de la mort ; et mourir de vivre : à force de rajeunir, ça devient très fatigant, alors on vieillit !
Il est très intéressant que nous sachions ce que nous sommes. Si on prend la physique, la chimie, la biologie, les sciences humaines, qu’est-ce qui nous manque ? Les sciences nous montrent les êtres humains objectivement mais pas subjectivement, soit ce qui se passe à l’intérieur : leurs sentiments, leurs passions.
Qu’est-ce qui montre la subjectivité humaine ? C’est le roman, la littérature. C’est merveilleux la littérature ! Vous pensez peut-être que c’est fait uniquement pour le plaisir, pour se divertir, pour passer le temps mais pas du tout. La littérature est un moyen de nous connaître nous-mêmes et de connaître autrui ; que vous preniez Balzac, Dickens, ... vous voyez les êtres humains dans leurs sentiments, leur amour, dans leur milieu, leur contexte et puis parfois même dans leur cadre historique comme pour Guerre et Paix de Tolstoï. Nous y voyons vraiment cette dimension de la vie humaine que les sciences ne vous montrent pas.
Donc la littérature est un moyen extraordinaire de connaissance et aussi un moyen de ressentir, de sympathiser, enfin un moyen extraordinaire de nous découvrir nous-mêmes.
N’ayant pas reçu personnellement, comme beaucoup, une culture de ma famille, j’en suis très heureux et j’en remercie mon père. J’ai ainsi été amené à trouver ma propre vérité dans des livres.
J’ai trouvé deux vérités fondamentales :

  • la première, c’est le doute, le scepticisme que j’ai trouvé chez Anatole France et chez Montaigne ;
  • la deuxième, c’est le besoin de comprendre autrui, la complexité d’autrui que j’ai trouvé chez Dostoïevski et chez d’autres. La littérature aide à comprendre ce qu’est l’être humain et à nous comprendre nous-mêmes en tant qu’être humain.

Quant à la poésie, c’est très beau, c’est un plaisir de réciter des vers ; j’ai un grand ami qui connaît par cœur des poèmes allemands, français, anglais et qui éprouve une jouissance à les réciter. Quand il était dans un camp de concentration, pendant la guerre, il se récitait ses poèmes. Mais il n’y a pas seulement la poésie écrite, il y a aussi la poésie de vie, la poésie à vivre et c’est très important pour la connaissance de l’humain.

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